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Qu’est-ce que l’essai scissométrique : principe, déroulement et intérêt géotechnique

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Parmi les essais géotechniques in situ, l’essai scissométrique – connu également sous le nom de vane test en anglais ou essai au scissomètre de chantier – occupe une place particulière. Il s’agit d’une méthode de terrain simple et rapide qui permet de mesurer la résistance au cisaillement du sol de manière directe.

Cet essai est utilisé pour déterminer la cohésion des sols fins (généralement des sols argileux ou limoneux saturés) en évaluant leur résistance lorsqu’on tente de les cisailler sur place. Les données issues d’un essai scissométrique sont précieuses pour les ingénieurs : elles renseignent sur la capacité portante du sol et sa stabilité, des paramètres essentiels pour dimensionner des fondations ou analyser la stabilité d’un talus.

Nous allons voir en détail en quoi consiste cet essai, comment il se déroule sur le terrain, quels résultats il fournit et dans quels cas il s’avère utile.

Principe de l’essai scissométrique

L’essai scissométrique a pour objectif de mesurer la résistance au cisaillement non drainé d’un sol cohésif directement sur site. Le principe est le suivant : on enfonce un petit appareil muni d’un moulinet à quatre pales (le scissomètre) dans le sol, généralement à la profondeur voulue via un forage préalable. Une fois le moulinet complètement inséré dans la couche de sol à tester, on applique une rotation à vitesse contrôlée. Le couple de torsion augmente progressivement jusqu’à provoquer la rupture du sol autour des pales du moulinet. En termes simples, on “tord” le sol jusqu’à ce qu’il cède. Le couple maximal enregistré à l’instant où le sol rompt est directement lié à la résistance en cisaillement de ce sol (puisque le scissomètre est conçu pour cisailler le sol sur un cylindre de rupture autour des pales).

Grâce à une formule étalonnée, on convertit ce couple critique en contrainte de cisaillement : c’est la cohésion non drainée Cu du sol, exprimée en kPa. Il s’agit du paramètre principal obtenu via l’essai scissométrique.

En pratique, le scissomètre de chantier comporte généralement quatre ailettes disposées en croix (d’où le terme de moulinet).

Ces ailettes mesurent quelques centimètres à quelques dizaines de centimètres de diamètre selon les appareils. Le test se réalise in situ dans des sols meubles saturés (typiquement des argiles molles ou vases), car ce sont ces matériaux cohésifs peu résistants que l’on peut cisailler aisément avec le moulinet. Dans un sol trop dur ou comportant des graviers, l’essai scissométrique n’est pas réalisable (on utiliserait d’autres essais dans ce cas, comme le pressiomètre ou le pénétromètre).

Un moulinet à quatre pales planté dans une coupe de sol, mis en rotation ; la zone de cisaillement cylindrique est suggérée pour illustrer le concept de mesure de la résistance.
Un moulinet à quatre pales planté dans une coupe de sol, mis en rotation ; la zone de cisaillement cylindrique est suggérée pour illustrer le concept de mesure de la résistance.

À noter qu’après la mesure de la résistance maximale, on effectue souvent une rotation rapide supplémentaire du moulinet afin de remanier le sol localement et mesurer sa résistance résiduelle post-rupture. Cela permet de calculer la sensibilité du sol, c’est-à-dire le rapport entre la résistance du sol intact et celle du sol remanié. Un sol très sensible (comme certaines argiles nordiques) verra sa résistance chuter drastiquement une fois remué, information cruciale pour évaluer le risque de liquéfaction ou d’affaissement si le sol est perturbé.

Déroulement de l’essai sur le terrain

L’essai scissométrique se déroule généralement selon les étapes suivantes :

Scène in situ : opérateur casqué, clé de couple en main, faisant tourner la tige ; on voit le scissomètre descendu dans un forage, pour montrer la mise en œuvre pratique.
Scène in situ : opérateur casqué, clé de couple en main, faisant tourner la tige ; on voit le scissomètre descendu dans un forage, pour montrer la mise en œuvre pratique.

  1. Préparation et installation : On sélectionne l’emplacement et la profondeur de test en se basant sur les besoins de l’étude de sol (par exemple, dans la couche argileuse la plus molle repérée par un sondage géotechnique préalable). Si nécessaire, on fore un trou de sonde jusqu’à la profondeur visée, de diamètre légèrement supérieur à celui du scissomètre. Le scissomètre est ensuite descendu au bout d’une tige dans le forage jusqu’à la profondeur souhaitée.
  2. Insertion du scissomètre : Arrivé à la bonne profondeur, le moulinet est enfoncé dans le sol intact. Il est crucial que l’outil soit inséré sans rotation parasite afin de ne pas pré-cisailler le sol. Dans les sols très mous, le simple poids de l’appareil peut suffire à l’enfoncement; sinon, on exerce une pression verticale modérée.
  3. Phase de cisaillement : Une fois le scissomètre en place, on actionne la rotation à vitesse contrôlée (par exemple, une rotation à ~6° par minute dans les essais normés). Durant cette phase, on surveille le couple de torsion appliqué à l’axe du moulinet. Au début, le sol résiste faiblement puis de plus en plus fort (le couple augmente). Lorsque le pic de résistance est atteint, le sol cède brusquement le long d’une surface cylindrique autour du moulinet : c’est la rupture en cisaillement. On enregistre alors le couple maximal T_max atteint juste avant la rupture.
  4. Mesures complémentaires : Après la rupture initiale, l’opérateur peut continuer à tourner le scissomètre pour maintenir le cisaillement du sol déjà rompu. Le couple chute généralement à une valeur plus faible et se stabilise – c’est la résistance résiduelle du sol complètement remanié. On note cette seconde valeur de couple stabilisé.
  5. Retrait et répétitions éventuelles : Le scissomètre est ensuite replié et retiré du sol. On peut répéter l’essai à d’autres profondeurs ou à d’autres emplacements du site pour obtenir un profil de la résistance du sol en fonction de la profondeur.

Pendant tout l’essai, des mesures précises du couple et de l’angle de rotation sont effectuées via un torque-mètre et un goniomètre. Ces données sont soit lues sur des cadrans si l’appareil est mécanique, soit enregistrées électroniquement sur les scissomètres modernes.

Résultats et interprétation

La grandeur mesurée par un essai scissométrique est la résistance au cisaillement non drainé du sol, souvent notée Cu ou S_u (exprimée en kilopascals, kPa).

C’est en fait la cohésion effective du sol en conditions non drainées, c’est-à-dire sans que l’eau contenue dans les pores du sol ait le temps de s’échapper lors du cisaillement. Cette valeur caractérise la tenue du sol à court terme, par exemple juste après un terrassement ou lors d’un chargement rapide (construction d’une digue, passage d’un engin lourd, etc.).

Plus Cu est élevé, plus le sol est capable de résister à des contraintes sans s’effondrer. À titre d’ordre de grandeur, une argile très molle pourra avoir Cu ≈ 10–20 kPa, alors qu’une argile ferme atteindra 50–100 kPa ou plus.

Graphique épuré (axes + courbe pic → palier) symbolisant le couple maximal puis la résistance résiduelle, afin d’évoquer la lecture des données Cu et sensibilité.
Graphique épuré (axes + courbe pic → palier) symbolisant le couple maximal puis la résistance résiduelle, afin d’évoquer la lecture des données Cu et sensibilité.

Outre Cu, l’essai scissométrique peut fournir d’autres informations :

  • La résistance résiduelle remesurée après rupture permet de calculer la sensibilité (rapport entre Cu intact et Cu remanié). Si ce rapport est élevé (>> 1), le sol voit sa résistance chuter fortement lorsqu’il est perturbé, ce qui alerte sur sa vulnérabilité (un remaniement du sol pourrait induire un affaiblissement important, à prendre en compte lors des travaux).
  • Le profil de Cu en fonction de la profondeur : en réalisant des essais à différents niveaux, on peut tracer la variation de la cohésion non drainée avec la profondeur. Ceci est utile pour repérer, par exemple, une couche particulièrement molle enfouie sous des couches plus fermes.
  • Indirectement, la valeur de Cu mesurée peut servir à estimer la portance du sol pour des fondations superficielles. En effet, dans le calcul géotechnique, Cu est utilisé pour déterminer la charge ultime qu’une argile peut supporter avant rupture (on l’intègre dans des formules de capacité portante). De même, pour un projet de talus ou de berge, on utilise Cu pour calculer le facteur de sécurité vis-à-vis du glissement : plus Cu est faible, plus le risque de glissement est important, et des renforcements ou paliers pourront être nécessaires.

Il faut cependant garder à l’esprit que l’essai scissométrique donne une mesure ponctuelle et locale. La qualité de l’interprétation dépend de l’expérience du géotechnicien et de la connaissance du contexte. On veillera à corréler les résultats avec d’autres observations (par exemple, des essais de laboratoire sur des échantillons d’argile prélevés, comme des essais triaxiaux, pour affiner la connaissance du comportement du sol).

Applications de l’essai scissométrique

L’essai scissométrique trouve son utilité dans divers cas de figure, principalement lorsque l’on est en présence de sols cohésifs meubles (argiles molles, limons organiques, tourbes éventuellement) et qu’on souhaite évaluer rapidement leur résistance sur le terrain. Voici quelques exemples d’applications :

  • Dimensionnement des fondations peu profondes sur sols mous : Pour implanter, par exemple, les fondations d’une maison individuelle ou d’un ouvrage léger sur un terrain argileux meuble, le vane test permet de vérifier que la cohésion de l’argile est suffisante pour supporter la charge envisagée. Si les résultats révèlent un Cu très faible (sol trop mou), le géotechnicien pourra recommander soit d’approfondir les fondations (recourir à des fondations profondes comme des pieux atteignant un stratum plus résistant), soit d’améliorer le sol (par compactage, traitement à la chaux, etc.).
  • Stabilité des pentes et des talus : Dans le cas de projets de terrassement, de digues, de barrages en terre ou de talus routiers, l’essai scissométrique sert à évaluer le risque de glissement. En mesurant la résistance au cisaillement des couches argileuses d’un talus existant ou futur, on peut calculer le facteur de sécurité de la pente. Si Cu est faible dans une couche donnée, cela peut indiquer une surface de glissement potentielle à ce niveau, nécessitant un renforcement (par exemple, clouage de talus, drainages pour assécher l’argile, etc.).
  • Suivi de travaux de terrassement : L’essai peut être répété au cours d’un chantier d’amélioration de sol (par exemple lors d’un préchargement d’un terrain marécageux ou d’un compactage) pour suivre l’évolution de la résistance. On vérifie ainsi que les traitements augmentent bien la cohésion du sol au fil du temps.
  • Sites isolés ou difficilement accessibles : Le scissomètre est un appareil relativement léger et transportable, ce qui permet de l’utiliser dans des endroits où il serait compliqué d’amener un gros matériel de forage. Pour un diagnostic rapide sur un terrain détrempé ou en zone marécageuse, il apporte une première estimation de la portance sans lourde logistique.

En résumé, l’essai scissométrique est particulièrement indiqué lorsque l’on a un sol argileux saturé de faible consistance. Il offre un moyen rapide d’évaluer la résistance du terrain par cisaillement directement in situ, là où des essais plus lourds (comme des prélèvements et essais triaxiaux en laboratoire) seraient plus longs ou coûteux. Son faible coût relatif et sa simplicité en font un allié précieux du géotechnicien lors des études de sol préalables ou des contrôles de chantier.

Néanmoins, il ne remplace pas l’ensemble des investigations : il vient en complément d’autres sondages (pressiomètre, pénétromètre, etc.) pour dresser un tableau complet des caractéristiques du sol.

Questions fréquentes sur l’essai scissométrique

Qu’est-ce que l’essai scissométrique mesure exactement ?

Il mesure principalement la résistance au cisaillement non drainé du sol cohésif testé. Autrement dit, il quantifie la cohésion du sol en conditions saturées, sans drainage. C’est ce qu’on appelle souvent la “résistance non drainée” d’une argile ou d’un limon. Cette mesure s’exprime en kilopascals (kPa). En complément, l’essai peut donner la résistance résiduelle après rupture, permettant de déduire la sensibilité du sol (rapport entre cohésion initiale et cohésion remaniée). L’essai scissométrique fournit donc une évaluation directe de la résistance du terrain à être cisaillé, utile pour les calculs de stabilité et de portance.

Dans quel type de sol réalise-t-on un essai scissométrique ?

Principalement dans des sols meubles à cohésion, c’est-à-dire des sols fins saturés en eau comme les argiles molles, les limons très humides ou encore les vases organiques. Ce sont des matériaux peu denses et plastiques sur lesquels le scissomètre peut s’enfoncer et agir efficacement. Dans les sols sableux ou graveleux non cohérents, un essai scissométrique n’aurait pas de sens car ces sols ne présentent pas de cohésion intrinsèque (on leur préfère d’autres essais comme le pénétromètre). De même, dans une argile trop dure ou compacte, le scissomètre ne pourrait pas pénétrer ou bien indiquerait directement une résistance élevée sans vraiment apporter d’information utile. En pratique, l’ingénieur géotechnicien choisit l’essai scissométrique lorsque les observations (par exemple au forage) laissent penser que le sol est très mou et saturé – conditions idéales pour cet essai.

En quoi l’essai scissométrique est-il utile pour les fondations ?

Les résultats du vane test aident à dimensionner des fondations sur sol argileux meuble. En effet, la portance d’une fondation superficielle sur sol cohésif est directement proportionnelle à la cohésion Cu de ce sol. Grâce à l’essai scissométrique, on obtient une valeur de Cu sur site, que l’ingénieur peut utiliser pour calculer la charge que le sol peut supporter sans rupture. Si cette charge calculée est inférieure à celle du bâtiment à construire, il faudra soit modifier le type de fondation (opter pour des fondations plus profondes allant chercher un sol plus résistant, par exemple), soit améliorer le sol. Par ailleurs, connaître la cohésion in situ aide aussi à estimer les tassements immédiats sous charge et à prévoir si le sol risque de se déformer excessivement dès la construction. En résumé, l’essai scissométrique fournit des données de base pour adapter la fondation au sol lorsque celui-ci est de qualité médiocre.

L’essai scissométrique remplace-t-il un essai en laboratoire ?

Pas tout à fait. Il est complémentaire. L’avantage de l’essai scissométrique est de donner une mesure in situ rapide de la résistance d’un sol meuble, dans ses conditions naturelles (structure intacte, saturation naturelle). Cependant, il est souvent utile de réaliser en parallèle des essais de laboratoire sur des échantillons intacts du même sol (par exemple un essai triaxial non drainé sur un échantillon d’argile prélevé). Les essais en laboratoire permettent de contrôler précisément les conditions (drainage, consolidation) et de déterminer d’autres paramètres (angle de frottement, compressibilité, etc.) que l’essai scissométrique ne fournit pas. De plus, en labo on peut tester des échantillons à différentes contraintes pour mieux comprendre le comportement du sol. Ainsi, dans une étude de sol complète, on utilise souvent le scissomètre pour avoir un profil rapide de cohésion sur le terrain, puis on affine la connaissance du sol avec des analyses en laboratoire.

Pour conclure, l’essai scissométrique est un outil efficace pour évaluer rapidement la résistance d’un sol cohésif meuble directement sur le terrain. Il joue un rôle crucial dans les études géotechniques en apportant des données sur la cohésion des argiles et limons saturés, données qui servent ensuite à concevoir des fondations sûres et à analyser la stabilité des ouvrages.

Cette méthode in situ, économique et relativement simple à mettre en œuvre, reflète bien l’expertise que des bureaux d’études spécialisés comme Geo2mo peuvent apporter sur vos chantiers.

En intégrant l’essai scissométrique dans ses investigations, Geo2mo aide ses clients – particuliers, professionnels ou collectivités – à mesurer la résistance de leur terrain grâce à ces essais et à sécuriser leurs projets construits sur des sols parfois capricieux.

Comme toujours en géotechnique, c’est en multipliant les observations et les essais adaptés aux conditions du site que l’on parvient à une compréhension fine du sol et à des solutions de fondation optimisées.

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